Il était un petit gothique (bis) qui ferait mieux - mieux - mieux de se tirer...

_Yamagata Aki.

Ah. Qu’il est aimable. Enfin si, il est au moins assez aimable pour conduire le pauvre hère que je suis à sa destination finale sans trop traîner les pieds, mais sérieux, mec, le marmonnement c’était vraiment obligatoire ? Non parce que sinon bah tu répondais rien et ça me suffisait. On n’est pas non plus obligé de se farcir une super discussion passionnante pendant tout le trajet. Oui non parce que là c’est plus de la promenade hein, c’est la Route. L’épopée spirituelle du moine Shaolin.

Je suis perdu. Tu es perdu. Si si, tu es perdu. Non mais arrête de faire genre je sais où je vais, tu es perdu. Et dans approximativement 1 minute et 07 secondes, moins si tu te décides à avancer encore plus vite que tu ne le fais, je vais être prit d’une irrésistible envie de te faire bouffer le prochain plan qu’on va croiser.

Le plan, lui, il sait où nous sommes dans l’école.

Enfin je crois.

…. On peut savoir pourquoi tu me regardes comme ça ?

Oui effectivement, au cas où tu ne l’aurais pas encore - assez - remarqué je suis empêtré dans un costume ridicule qui m’empêche de respirer (à moins que ça ne soit le stress, laissez moi consulter les chiffres, si ça se trouve ils ont un sens divinatoire).

…

Le temps de sortir son petit carnet de son sac en cuir - attends ralentit merde je peux pas non plus faire plusieurs choses à la fois - Nobu s’était entre-temps rappelé que cette possibilité avait été envisagé et écarté. Zut.

Bon allez, un peu de courage, ils n’étaient, semble-t-il, plus très loin.

Du Mont Fuji. Mais, passons.

Une mimique enjouée, la démarche dynamique du garçon motivé pour son premier jour d’école (non, sérieusement, qui est motivé à la rentrée ?), le sourire éclatant (d’un prince charmant) de celui qui s’est bien brossé les dents, un tremblement nerveux de ses poings serrés (8ème plan qu’ils croisent, quand même), bref, le physique de celui qui y croit, qui est convaincu que ça va marcher, que cette fois ils vont y arriver, à ce foutu secrétariat, maman je vais vraiment finir par commettre un geste fatal (9ème PLAN !!!) histoire de ruiner mes chances JE VEUX RENTRER A

_Et voilà, monsieur est servi !

A en lâcher sa serviette sous le choc.

- Ah euh… génial. Merci… Aki !

J’édite mon texte: ce mec est génial. Un plan ? Quel plan ? Pas besoin de plan quand on possède cette fougue de la jeunesse, cette aptitude exceptionnelle à se repérer dans n’importe quel lieu, l’expérience des instituts privés.

Une étape presque franchie. La porte du secrétariat était là, si belle, si sévère avec sa petite pancarte en chrome, ses lettres sombres, lui faisant oublier le supplice des bagages qui l’attendaient encore dans le hall (s’il vous plait, dieu, faites que je sois au rez de chaussée…).

Nobu se tourna une nouvelle fois vers Aki qui, nonchalamment posé, attendait la suite. Ou qu’il lui foute la paix. Mais le surdoué n’en avait pas tout à fait finit avec lui.

- A l’occasion, pour te remercier, je t’offrirais un verre. A la cafétéria ou dans le centre ville…

Histoire de faire connaissance hein, pas juste de ressembler à un boulet pleurnichard qui s’accrocherait à tes chevilles. Et ceci n’était pas non plus une tentative pour paraître gentil, aimable, reconnaissant, lui rappeler à lui aussi que son installation n’était pas encore tout à fait finie et qu’un petit coup de main lui vaudrait sans doute un deuxième verre. Une glace ? Un repas au restaurant.

Des bijoux avec des piques des tatoos ce que tu veux mais hey copain, tu vas m’aider hein ?

Technique Honi: Quand tu chopes un pigeon, plume le, cuit le et bouffe le.

Il y avait un truc chez lui, c'était certain, dans la manière dont ce type le regardait, dans son attitude corporelle. Quelque chose qui cherchait à l'attirer doucement, et Noboru n'était pas assez insensible pour y être complètement indifférent. Le charisme. Aki en était blindé, ce qui était assez étonnant en sommes pour un type aussi jeune. Le charisme, Mareo aussi en possédait. C'était ce truc qui lui avait fait doucement tourner la tête pendant des mois, de longs mois à se contempler dans le blanc des yeux comme Noboru le faisait en ce moment même avec le chanteur. Aki et Mareo, bien que totalement opposables, possédaient le don de plaire sans trop d'effort. Mais Noboru, au lieu de lui céder, se contenta de sourire et de détourner le regard. Il avait passé l'âge des coups de coeur.

- Si tu connais un bar sympa avec un peu de rock en fond sonore, je suis partant.

L'habit ne fait pas le moine. Rien à ajouter.

Et après, le bâtiment des élèves, tout ça. Guide touristique pour une nouvelle vie, allégée en sucres, plus saine pour les nerfs. Un quotidien, un train train ajusté à son quotient intellectuel. Avale ça mon grand, c'est mieux qu'une cuillère de Ricin, t'en sortira fortifié. Peut-être même que l'autre sera toujours là quand tu sortiras du secrétariat. Peut-être même que tu croiseras d'autres gens, par hasard, que t'invitera à prendre un verre, histoire de faire connaissance. Ca pouvait mal se passer, mais ça pouvait bien se passer. Kif kif. Pas de vote du public juste lui. Et le soir, un appel à un ami, qui ne lui servirait sans doute plus à grand chose.

Avant la fin de la semaine, se trouver un psy.

Noboru eut un léger frisson avant de poser sa main sur la porte de la poignée, oubliant de frapper. Il avait hâte d'en finir, de ramasser clés et autres accessoires de la vie étudiante. Un dernier regard à Aki, purement gratuit et certifié sans explications freudiennes, qui l'incita d'un geste à accélérer le rythme de sa pensée, puis il entra dans le secrétariat en refermant derrière lui, tout doucement.

- Hm... bonjour. Monsieur.

Un bureau de secrétaire, avec son lot de papiers, documents importants ou brochures de l'académie, des tiroirs, des casiers, classique quoi. Et un « monsieur » juste derrière qui l'était un peu moins. Il s'avança de quelques pas, décollant son cul de la porte parce que l'effet bête traquée chez les nouveaux arrivants, ça devient lassant à force.

- Je suis Noboru Keito. C'est pour la clé de chambre...

Damon sortit de sa rêverie comme on tombe du lit. Quelque chose tournoyait dans son esprit, attendait de prendre forme. Mais plus tard, le devoir avant tout... Enfin un gamin avec un nom japonais, ils n'étaient pas si nombreux que ça. Une école à vocation universelle ; les professeurs aussi étaient exotiques d'une façon ou d'une autre. Enfin, il pouvait parler lui...

''Noboru Keito ? Tu seras à l'étage. Premier étage. Chambre 24, à côté des jumeaux.''

En même temps que la clé, le secrétaire lui tendit un papier qu'il lui montra rapidement, au cas où ce soit un de ces gamins sans le moindre instinct d'orientation, et où il ait besoin de poser quelques questions.

''Voilà le dépliant de l'académie : tu peux y trouver tous les endroits nécessaires à la vie étudiante, et les endroits où tu n'es pas censé te rendre sont en rouge, comme ça tu les trouveras facilement.''

Il avait l'air timide, autant détendre l'atmosphère. Certains se rétractaient d'autant plus, méfiants, d'autres captaient le naturel de son attitude et répliquaient sur le même ton. La plupart gardaient leurs impressions pour eux.

Surprit par l'attitude du secrétaire, Noboru se montra dans un premier mouvement froid et distant, le fixant sans rien dire, écoutant ses explications un peu trop simplistes. Mais l'homme se contentait d'être sympa, sans se forcer, et l'étudiant se détendit visiblement, lui rendant son sourire en baissant les yeux sur le plan de l'académie. C'était comme se faire offrir un bon café après s'être prit la flotte sur le chemin du retour. Moins utile qu'une serviette, mais très réconfortant.

- Et si on est daltonien ?

L'humour de Noboru était rarement compréhensible, et même lorsqu'il l'était, les gens ne riaient pas de bon coeur. Sans doute parce qu'il était trop spécial, un brin pince sans rire, et qu'il ne mettait jamais le ton qu'il fallait pour raconter une histoire drôle.

- .... Je vous remercie.

Après tout, il avait ses clés, ses bricoles et Aki devait déjà s'impatienter. 20 minutes en compagnie du gothique et son instinct lui soufflait déjà que passer une journée avec lui relèverait du parcours du combattant. Ce qui n'était pas forcément une si mauvaise chose à vivre.

Tournant les talons après un petit salut réglementaire typiquement japonais mais un brin expédié (le secrétaire n'avait franchement pas l'air de s'attarder sur les formalités d'usage), Noboru Keito quitta le secrétariat en rangeant sa clé dans la poche de son pantalon pingouin. Le premier étage c'était encore faisable, avec un peu de courage et un verre de saké au fond du gosier. Pas sûr qu'ils en trouvent à la cafétéria d'une école pour surdoués cela dit.

- On peut y aller, lança-t-il à Aki, toujours souriant.

Calant sa veste sous le bras, il tâta du bout des doigts le plan sagement calé contre la clé de sa chambre avant d'attraper sa sacoche en cuir. Avec Aki finalement, c'était assez simple. Un temps de préparation psychologique, un kit de survie dans la poche, et roulez jeunesse.